Carnoux-en-Provence, commune du sud de la France, a été crée ex-nihilo dans les années 60 par les Français rapatriés du Maroc et d’Algérie.
Un récent projet de restructuration du centre ville a lancé la rénovation, voire la destruction, de plusieurs bâtiments. J’ai voulu capturer ces façades avant qu’elles ne disparaissent de notre regard.
Ces photographies sont bien évidemment un acte de mémoire de l’urbanisme et de l’architecture carnussien. En repositionnant ces bâtiments dans le désert saharien, j’ai aussi voulu représenter ce Maghreb qui continue à habiter les souvenirs des pieds-noirs qui ont fondé la ville, et dont l’architecture des bâtiments de la ville est inspirée. En représentant ce que les habitants cachent dans leur cœur, un désir insatiable s’inscrit dans l’acte de voir l’invisible.
La modernité ambiante, concept qui met le neuf et le propre au centre de toutes les représentations de la beauté et dont est issu le renouveau urbain, est représentée par l’usage de « Pantone® Color of the Year » en tant que ciel. L’usage de ces références artistiques pour illustrer les multiples nuances du ciel dénonce le conformisme et l’uniformité des modes du monde moderne.
La frontalité excessive des façades nous oblige à repenser le regard qu’on y porte : un tel cadre est irréel puisque n’offrant pas un tel recul en réalité. Cette image virtuelle du réel s’accompagne d’un malaise qui provient de l’absence de représentation d’êtres humains, tel la symbolique de nos mondes numériques développant l’individualisme. Il ne reste plus qu’à revenir à son essence: le visible est vide de vie mais au delà des apparences réside, derrière les façades sans perspective, un caché rempli de vie.
Nées de l’assemblage de centaines d’images redressées et manipulées, la taille monumentale de ces photographies (possiblement plus de 3m de long) leur procure une objectivité absolue dont nous ne pouvons perdre aucun détail. Cette manufacture de l’image illusionne, dans un processus invisible, notre perception de la réalité.